Les choses avaient été pour le moins…compliquées, depuis quelques temps. Je commençais à peine à me faire à l’idée de vivre à present au siege des mutants, des gens comme moi, aux pouvoirs extraordinaires, et à apprendre à contrôler les miens, auprès d’eux. Accepter. Accepter ce que je pouvais faire, accepter les possibilités qui s’offraient à moi. Et surtout, le plus important, m’accepter moi-même. Après tellement d’années à tenter de comprendre le pourquoi, de chercher la clé à un mystère qui n’avait pas de porte. Simplement à me faire à l’idée que la mutation était tombée sur moi par le plus pur hasard, et que rien, rien n’aurait pu l’éviter, ou l’expliquer. Pour une scientifique comme moi, bercée de science, c’était un chemin long, et ardu. De lâcher prise. Même si parfois, une idée, ou l’annonce d’une nouvelle théorie me faisait encore attraper un stylo et griffonner des lignes de calcul et d’équations sur le premier support qui passait, que ce soit une serviette en papier, une table, ou mon bras.

Sans compter la menace d’Apocalypse, qui régnait toujours à l’extérieur, et qui nous menaçait. Plus la tension que ça faisait  peser, avec le moindre incident qui prenait parfois des proportions démesurées, au point d’en venir presque aux mains. Comme Aster et Captain America, qui en étaient venus à se tirer dessus et à finir dans un sacrément sale état à l’infirmerie quelques semaines plus tôt. Malgré tout ça, je tentais de me débrouiller, faire ma vie. Mais je me sentais souvent minuscule, et prise dans les rouages d’une machine beaucoup trop grande pour moi. Chamboulée et ballotée. Même si j’essayais de suivre le mouvement et de pas me plaindre…

Ce jour-là je venais de sortir d’un cours donné par le professeur Xavier sur la physique quantique, et j’avais passé un bout de temps après le cours à disserter avec lui de la théorie des cordes et des trous de verre, avant de finalement retourner à ma chambre. Bizarrement, il y a personne dans les couloirs. Je hausse les épaules, l’esprit encore occupé à repasser ce dont on avait discuté avec le professeur, quand j’entends un bruit métallique pas loin. Comme si quelque chose, ou quelqu’un, frappait de l’autre côté d’une cloison.

D’un coup mon cœur se met à battre. Et si on nous attaquait ? Et si on nous avait démasqués, trouvé l’entrée de la base secrète ? Ma gorge s’assèche et mon souffle se fait court, retrouvant l’impression très désagréable de déjà-vu quand ce commando est venu jusque dans ma maison pour me tuer. Le bruit s’intensifie, et l’espace d’une seconde j’ai l’impression d’avoir vu une plaque du mur bouger. Oh non. Oh non. Comme un lapin pris dans les phares d’une voiture, je suis pétrifiée, incapable de bouger, et je me déteste pour ne pas arriver à appeler. Hurler. Faire quelque chose. Kitty. Kitty, bouge-toi, allez !

Et je sursaute quand la plaque s’ouvre, incapable de bouger, le cœur tambourinant dans ma poitrine, avant que mes yeux ne s’écarquillent de surprise en reconnaissant qui vient. Non. Non c’est pas possible. Elle ? Elle ici ? Je la vois finir d’émerger des profondeurs et elle se redresse enfin, face à moi, dans sa tenue de combat. Mon regard remonte lentement des pieds jusqu’à sa tête, ce qui met, vraiment, au moins une ou deux secondes. Bon sang elle est immense ! Même…gigantesque ! J’ai l’impression qu’elle prend toute la place dans ce couloir. La vache qu’est-ce qu’elle est impressionnante. Et juste…magnifique. Et je me sens tellement ridicule à côté d’elle. Sérieusement, je crois que je dois lui arriver à la hanche, et encore.

Vous…c’est…c’est…vous c’est…Sif c’est ça ?

Elle me regarde et me parle, me disant de ne pas tirer sur le messager, avant de sourire en coin, ajoutant un commentaire sur son odeur. Je me détends un peu, toujours impressionnée, et hésite une fois ou deux avant de parler.

Vous…qu’est-ce qui vous…amène chez les XMen ?

Wow. Wow wow. Wow wow wow. Elle est là. Elle est là, en chair et en os. Elle est juste…immense, et juste…magnifique. Sif. La walkyrie, la déesse guerrière. Un des compagnons d’armes du grand Thor en personne. Wow. Jusqu’à aujourd’hui, Thor, Nifelheim tout ça, c’étaient surtout des légendes, d’abord, et ensuite des trucs que j’ai vu à la télé, quand ces espèces d’aliens ont menacé NY et ont provoqué la bataille qui a dévasté une bonne partie de ville. Mais de là à…accepter qu’ils existaient vraiment, c’était autre chose. D’abord Steven, qui était venu m’aider, alors que…j’allais pas bien, et puis…elle, là, face à moi dans le couloir des X-Men.

Je me détends un peu, et lui souris timidement alors que je la détaille, des étoiles plein les yeux. Une guerrière. Celle qui a mérité de combattre à égalité avec les fils d’Odin. N’empêche, pour la scientifique en moi, c’est un truc qui est totalement… dingue. Il faudrait vraiment que je me penche sur la théorie des trous de ver, parce que leur venue, et celle des aliens…prouve juste qu’il existe des mondes parallèles ! D’autres mondes où les lois de la physique pourraient peut-être s’appliquer différemment ? Tout ça ouvre tellement de possibilités, de théories, de choses à prouver…

Mais c’est pas trop le moment. Si elle est là, chez nous, c’est qu’il y a bien une raison. Et je pense qu’elle va pas passer sa journée à attendre que je sorte de mes réflexions de dingue. Je lui demande ce qu’elle veut, et comment je pourrais l’aider, et je la vois qui sort d’une sorte de sacoche un truc qui a l’air de ressembler à une clé USB. J’ai vraiment du mal à la voir elle, figure légendaire qui a cours depuis des siècles, et la clé USB, symbole de modernité. Un peu comme un papou avec une tablette.

Je…ok…ok. Mais on dit une clé USB. Juste que…l’ordre des lettres est pas pareil. Enfin c’est pas grave…

La vache. Elle m’intimide tellement, même si elle a pas l’air méchante. Juste qu’elle pourrait m’arracher la tête d’un revers de la main, si elle voulait. Elle se penche un peu vers moi, comme si elle voulait se mettre à ma hauteur, enfin, me faire sentir que je suis moins minuscule à côté d’elle, et me parle d’une voix douce.

Oui je…je sais qui vous êtes. Tout le monde sait…qui vous êtes. Et je…je serai très…honorée de vous…de vous aider. Venez c’est…par là. Et je m’appelle Kitty. Je suis…une mutante.

Sa façon de parler est étrange, et dans un sens, même si elle parle parfaitement bien anglais…c’est comme si elle était pas d’ici. Ou qu’elle venait d’un pays lointain. Ou d’une époque passée. Enfin, de là où les gens parlent comme elle, et plus comme…on parle maintenant. Mais alors que je me tourne je sens sa main se poser sur mon épaule et je peux pas étouffer un couinement de surprise et de douleur. Elle y est allée tellement fort que je plie les genoux pendant une seconde, avant de me redresser doucement.

Euh oui…oui c’est par là…

J’ose même pas lever les yeux vers elle alors qu’elle se tient fièrement à côté de moi, et qu’on s’avance dans les couloirs immaculés et déserts du QG jusqu’au bureau de Xavier. Une fois devant la porte je m’arrête et lui annonce.

Voilà…c’est…C’est ici le bureau du professeur Xavier. Je pense qu’il est là, ou alors il est en train de donner un cours.

Je frappe doucement et attend la réponse de notre chef.