Presque trois mois que j'étais comme… hanté par mes souvenirs. Bucky. Mon frère d'arme, mon ami de toujours, celui qui était quand je n'avais rien. Celui que je pensais mort au fin fond d'un ravin en Europe, ensevelit sous l'épaisse neige de l'hiver. Et voilà qu'un soir, je finis par le voir ressurgir d'entre les morts, aussi froid et sans pitié qu'eux, sans aucun souvenir de qui j'étais. Comme si tout ce que nous avions vécus n'avait jamais existé. Il semblait vide, dépourvu de toutes émotions, froid et cruel comme l'hiver. Il ne restait plus rien de mon Bucky, du moins, il refusait de s'en souvenir. Pire, il n'avait eu aucun scrupules à me tirer dessus. Un simple balle dans l'épaule, pas de quoi abattre Captain America, mais cette simple blessure s'est révélé plus douloureuse que prévu. Soldat de l'Hiver ou pas, il reste Bucky à mes yeux, et cet homme n'aurait jamais été capable de me faire du mal, et encore moins de me tirer dessus. Et pourtant lui, n'avait pas hésité. Il avait froidement pressé la détente pour me laisser seul avec pour seule compagnie la froide et cruelle réalité. Bucky n'était plus, il était bien mort ce jour-là en Europe. Tout ce qu'il était revenu de la mort n'était que son fantôme, le Soldat de l'Hiver.

J'ai été tenté durant ma convalescence d'oublier de passer à autre chose, de laisser reposer en paix Bucky Barnes, seulement une part de moi se refusait à l'abandonner. Ses mots prononcés il y a presque un siècle ne cessaient de tourner dans mon esprit. "Je suis avec toi quoi qu'il se passe, vieux frère." Une promesse qu'il m'avait faite il y'a des années. Une promesse de toujours veiller sur moi et d'être là quoi qu'il se passe. Il ne m'a jamais abandonné, quand je n'avais rien, lui était là. Alors je ne pouvais pas décemment le laisser seul et encore moins lavé de tout ce qui composait la personne qu'il était.

C'est donc suite à ça que j'ai décidé plus ou moins de partir à sa recherche, de le retrouver même. Pas question que je le laisse se la jouer mercenaire sans pitié, du moins pas de mon vivant. Si il voulait ne plus m'avoir sur le dos, il aurait été plus simple de me tuer. Pas simplement de me tirer dans l'épaule. Alors à force de chercher, de m'informer, j'avais finis par apprendre qu'un des convois d'Apocalypse allait passer en plein jour. Parfait. C'est le genre de truc qui serait forcément hautement gardé et avec un peu de chance, Bucky pourrait être sur un coup pareil. Et étrangement, il s'avère que j'ai raison. Seulement y'a quelque chose que je n'avais pas prévu :  la pile électrique avec qui j'avais déjà eu le plaisir de griller quelques sbires d'Apocalypse.

Les cadavres s'empilent bien trop vite à mon goût et les flammes elles, se propagent à une vitesse quasi-hallucinante. Il veut foutre le feu au quartier ou quoi ? Intérieurement je pousse un juron. Il ne pouvait pas rester sagement à la maison plutôt que de transformer la ville en champ de bataille. C'est trop lui demander que de ne pas chercher volontairement à se faire tuer ?

Deux détonations résonnent. Le bruit est trop familier à mon oreille et malheureusement le tireur est bien trop connu lui aussi. Buck. Je vois le gamin s'échouer à terre, terrassé par les deux balles. Allez dégage… Reste pas là sinon il va te faire la peau. Mais ce con ne bouge pas. Au contraire. Il reste. Merde, gamin, dégage. Sérieux. Un dilemme s'offre alors à moi. Foncer sur Bucky pour avoir une chance de le rattraper et laisser le gamin se faire rayer du club des vivants ou aller le sauver au risque de perdre Bucky. Étrangement je n'hésite pas une seule seconde, à peine le temps d'un battement de coeur. Je saute hors de ma cachette et vient me positionner dans la ligne de feu de Bucky, lui faisant face. Vu ma taille je couvre aisément le punk qui gît derrière moi.

"Alors gamin ? C'est ta passion dans la vie que de risquer la tienne ? T'as pas mieux à faire sérieusement ?"

Je lui tourne le dos tandis que je vois Bucky vider le chargeur de son fusil. Je peux presque voir la douille sauter hors de la culasse du canon. Merde. Une demi-seconde, c'est tout ce qu'il va lui falloir pour tirer à nouveau. Ni une ni deux, j'attrape le gosse, le tenant contre moi, le traînant à couvert. Une balle fuse non loin de notre cachette, comme un avertissement. Je serre les dents, calmant les battements de mon coeur, prêt à y retourner. Je jette un rapide coup d'oeil au gamin avant de lui dire, d'un ton des plus calme.

"Bouge pas de là. Sous aucun prétexte. Et si jamais t'essaye de sortir de là et d'y retourner, je jure que c'est moi qui t'achèves, c'est clair ?"

Ça craint. Retrouver une fois de plus Bucky en mode robot vengeur à la sole d'Hydre c'est une chose, mais entre nous j'aurais aimé que cela se fasse sans le petit gamin anarchiste qui passe son temps à citer Lincoln. Ça aurait au moins eu le mérite d'être moins compliqué à gérer. Mais non, la vie serait trop simple et c'est bien connu… Rien n'est simple pour Captain America. Je regarde une dernière fois le gamin à mes côtés, vérifiant qu'il n'est pas dans un trop mauvais état, avant de l'abandonner à nouveau, retournant sur le front, espérant pouvoir capter Bucky avant qu'il ne disparaisse à nouveau. J'ai comme envie de m'expliquer avec lui à propos de cette fameuse balle dans l'épaule.

Je fais donc quelque chose de bien dangereux pour un ex-soldat, je me met à découvert, me rendant parfaitement vulnérable. Vas-y Buck. Je suis là. Mais rien. Aucune balles ne vient siffler à mon oreille. Rien. Pourtant je le vois, là, juste face à moi. Je ne comprends pas. Qu'est-ce qu'il attends. Je m'apprête à ouvrir la bouche lorsque j'entends du bruit derrière moi. Je me tends. Pas besoin de me retourner, je sais qui est l'inconscient qui essaye de se glisser derrière moi. Voilà qu'il recommence à fanfaronner. Mais c'est pas vrai, c'est une manie chez lui ? Il est simplement grande gueule ou c'est son côté masochiste qui ressort ? Peut-être un savant mélange des deux. Je desserre à peine les dents tandis qu'il vient me rejoindre, arme au poing.

"Je t'avais dis de rester à couvert gamin…"

Mon ton se fait presque menaçant tandis que je le regarde du coin de l'oeil. Je ne supporte pas qu'on ne m'obéisse pas. Sûrement une déformation de mon ancienne position de chef des Avengers, mais j'apprécie que lorsque que je donne un ordre on m'obéisse. Mais ce qu'il dit fait tout simplement bouillir mon sang. Je serre les dents tandis qu'une rage furieuse, presque violente me saisit d'un coup. Sans crier gare, je lui assène un violent coup de poing pile sur la mâchoire, me retenant à peine. C'es le genre de coup qui étale n'importe qui d'un coup, le laissant à terre avec la vague impression de s'être prit un mur. Je ne lui laisse pas le temps de comprendre ce qu'il vient de lui arriver que je viens poser mon pied sur son épaule blessée, appuyant juste comme il le faut sur sa blessure. Je perds subitement toute pitié. Je l'avais prévenu et même si cela me fait aussi qu'à lui, je n'ai pas le choix. C'est pour son bien. Et pour celui de Bucky.

"Tu ne vas en foutre deux à personne. C'est toi qui a besoin d'être calmé, gamin. Tu ne touches pas à Buck, conneries d'idées de liberté ou quoi. Tu te gardes bien gentiment tes discours à la con. Ce mec, comme tu dis, c'est mon frère d'arme. Il est peut-être l'homme en qui j'ai le plus confiance et surtout mon seul ami."

J'appuie un peu plus sur sa blessure, serrant les dents. Je déteste te faire ça, gamin. Mais tu en veux à l'homme que j'essaye de sauver et à mon meilleur ami. Alors qu'il ai essayé de te tuer, je l'entends bien, mais je ne peux pas te laisser te jeter au combat. Il va te tuer. Froidement et brusquement. Parce qu'il n'a aucune pitié. Aucune. Et étrangement, je ne voudrais pas qu'il meurt tout simplement pour une histoire de principe à la con.

"Je t'avais prévenu gamin. Tu sortais de ta cachette, je t'achevais. T'es sortis. Je t'achève. Je t'avais prévenu."

Je le saisis par le col, et lui assène un autre coup de poing, une expression contrit sur le visage. Crois-moi, ça me fait tout aussi mal que toi. Mais je t'avais prévenu. Tu ne peux t'en prendre qu'à toi-même.

Je l'avais prévenu. Il devait rester à couvert et me laisser gérer le truc. C'était mn combat avec Bucky, et en aucun cas il n'avait à s'en mêler. Seulement voilà que ce sale gosse semble avoir un problème avec le fait même d'être en vie. Il veut tester le concept de la mort ? Très bien, mais il évite de le faire dans les parages. J'en oublie presque la présence de mon frère d'arme tandis que je continue d'appuyer sur l'épaule du jeune punk. Lui faire mal n'est pas mon but, loin de là, tout ce que je veux, c'est le foutre à terre le temps que je m'occupe de plus urgent. Mais malheureusement pour lui voilà qu'il ouvre la bouche. Traître. Le mot me fait serrer les dents. Je les entends encore me dire que je ne suis qu'un lâche, un traître à mon propre pays… Simplement parce que j'avais finis par ne plus pouvoir encaisser… Parce que c'était devenu trop compliqué de voir tout ce en quoi je croyais s'effondrer. Captain ou pas, je reste un être humain. J'ai une certaine limite dans ce que je peux supporter, encaisser, et là… C'était trop. Alors entendre ce sale con m'insulter de traître. Je vois rouge. Je lui porte un autre coup qui lui fait cracher un autre flot d'insultes. Me flinguer ? Je n'ai pas le temps de réagir qu'il me tire une fois, puis deux à bout portant. Une douleur vive me saisit au niveau des côtes. Je me retient de hurler, me contentant de jurer tandis que je recule, portant une main à mes côtes douloureuses.

"Espèce de fils de p…."

Je vais le tuer. C'est officiel. Gamin ou pas, je vais lui faire la peau. Le sang coule abondamment sur ma main, tandis que je regarde le gosse se jeter sur moi, dans un espèce d'assaut complètement désespéré. Nous échangeons deux ou trois coups tandis qu'il recommence à cracher son venin. C'est ça, perds ton temps à raconter des conneries, laisse la colère te faire baisser ta garde. Je serre les dents l'écoutant, refusant de me laisser toucher par ses mots. J'attends, parant ses coups avec une facilité enfantine. Et là je vois la faille que j'attendais tant. J'attrape son poignet et le brise d'un geste sec, avant de faire éclater l'articulation de son coude d'un coup du plat de la main. Et d'une torsion douloureuse, je lui déboîte l'épaule au passage. Un bras en moins. Histoire d'être sûr j'abat violemment mon pied sur sa rotule, déboitant son genou au passage. Il s'effondre d'un coup tandis que je pose mon pied sur son torse. Je souffle comme un boeuf à cause de mes blessures tandis que je le regarde, une main posée sur ma blessure.

"C'est bon ? T'as finis ton petit numéro d'anarchiste à la con ? Ou t'as envie que je te déboîte l'autre épaule ?"

Je le vois tenter de me foudroyer, mais voilà que d'un coup il semble prit d'une crise qui ressemble fortement au genre de crise que je pouvais faire quand j'étais plus jeune. Les problèmes de coeur et d'asthmes, qui me plongeaient dans des crises  de ce genre, me laissant aux bons soins de Buck qui devait s'occuper de moi. Eh merde. Voilà qu'il nous fait une crise. Par un réflexe, je me penche vers lui, le forçant à s'allonger pendant que je lui donne un coup puissant sur le sternum, histoire de calmer les palpitations incertaines de son coeur. J'entends ce dernier repartir à peu près correctement tandis j'essaye de le ramener parmi les vivants.

"Eh, gamin ! C'est pas le moment de me faire le coup du coeur qui flanche là !"

Putain. Ça veut se la jouer grand moralisateur et anarchiste du dimanche et c'est même pas capable de supporter un passage à tabac. Je regarde autour de moi, constatant que Bucky en a profité pour disparaître. Un juron m'échappe tandis que je reporte mon attention sur le jeune Aster. Je l'attrape par le col, le portant, posé sur mon épaule tandis que je cherche désespérément un moyen de le ramener jusqu'à 5pointz. Il ne me faut pas plus de cinq minute pour trouver une bécane en état. Bah tiens, combien on parie qu'elle appartient au biker cardiaque ? Je fouille son blouson, le temps de trouver les clés avant de l'emprunter, l'installant sur mes genoux tandis que je roule à tombeau ouvert jusqu'à l'institut des X-men. Je ne me fais pas annoncer, débarquant dans l'infirmerie comme si je possédais l'endroit, posant le gosse sur la table.

"Occupez-vous de lui : plusieurs fractures, un coeur en rade, deux articulations déboîtées, blessures par balles. Faîtes-vous plaisir."

Je grogne de douleur avant d'aller attendre mon tour, adossé à un mur, tenant toujours ma blessure. Je regarde le sang imbibé mon T-shirt tandis que je me laisse glisser au sol, pris d'une soudaine fatigue. Je ferme les yeux, ne me rendant pas tellement compte que je viens en réalité de m'évanouir.