You're a warrior, not a drinker

La pièce était plongée dans l'obscurité, seul le lampadaire au dehors dans la rue déversait une lumière jaune hésitante sur le parquet au sol dévoilant une forme dans le canapé au milieu devant une petite table. De nombreuses bouteilles y siégeaient là tout comme au sol certaines encore à demies remplies. L'ombre bougea légèrement pour porter la bouteille qu'il tenait dans sa main jusqu'à ses lèvres. Ses yeux étaient fermés et son esprit était déjà loin quand il reposa la bouteille à côté de lui, loin dans son passé, loin dans les quelques souvenirs qu'il lui restait de ce moment-là.

C'était un soir d'hiver, la maison était au calme alors que le feu crépitait dans la cheminée, tout semblait parfait. A l'étage, dans une des chambres décorée aux couleurs de Captain America, un petit garçon d'à peine sept ans était allongé dans son lit tandis que sa mère lui parlait de tout et de rien, assise à ses côtés. Il souriait doucement en serrant sa peluche contre lui. Puis sa mère se pencha pour déposer un baiser sur son front, mais la seconde suivante fut le début du cauchemar. « TONY ! Maria ! Amène le ici tu veux bien ! » La mère se redressa et soupira, puis prit son fils dans ses bras pour redescendre dans le salon. Howard était là, assis sur un des canapés avec un verre en main, la bouteille de bourbon devant lui, à moitié vide. Maria s'apprêta à faire demi-tour mais il les avait déjà vus. « Hey fiston, viens voir par-là, j'ai un truc à te montrer, je suis persuadé que tu vas adorer. » Heureux à la perspective de passer enfin du temps avec son père, Tony descendit des bras de sa mère pour se rapprocher de son père avec perplexité. Maria fit un pas vers lui avec effroi, mais s'arrêta au seul regard désapprobateur de son mari. « Howard, je ne suis pas certaine que ce soit une bon...» « LA FERME ! Il doit devenir un vrai homme ! Pas une mauviette ! Les Stark doivent toujours rester fort, je ne permettrais pas que mon fils se fasse humilier en public, qu'il salisse notre nom. JAMAIS ! » Son regard n'était que ténèbres et Tony sursauta à ses cris, une fois de plus, mais ne bougea pas. Son père le prit par le bras et le rapprocha de lui tout en lui tendant un verre légèrement servis. « Boit, ça va te gonfler les poumons. » « Oui père. » Il ne pouvait ignorer le regard apeuré de sa mère qui avait passé sa main devant sa bouche. Elle avait supporté un alcoolique une bonne partie de sa vie, et elle assistait à la naissance d'un second. Mais Tony ne pouvait pas désobéir, il boirait la bouteille entière si ça pouvait aider son père à l'apprécier davantage. Et l'alcool lui brula la gorge, encore et encore au fil des années, le marquant à vie comme au fer rouge.

La main de Stark se resserra avec force sur la bouteille alors qu'il serrait les dents, une violente douleur le prenant à la poitrine, lui déchirant littéralement le torse en un éclair de douleur intense. Il s'interdit de crier et encaissa du mieux qu'il put en retenant sa respiration pourtant saccadée. Quand la plus grande souffrance fut passée il se leva dans un cri et balança la bouteille plus loin, contre un mur, s'explosant en mille morceaux sur le sol. Anthony se mit à trembler de tous ses membres, il ne sentit alors plus ses jambes et s'écroula au sol, se rattrapant avec ses mains. Celles-ci se collèrent à son visage. Il ne pleura pas, il n'y arrivait pas, il n'y arrivait tout simplement plus. Il y avait tellement de choses et d'évènements qui l'avaient détruit ces derniers temps qu'il ne savait même plus pourquoi il ne se battait pas davantage et pourquoi il restait ici. En revanche il savait pourquoi il n'y retournerait pas, il n'avait d'ailleurs pas vraiment le choix, c'était trop tard. Lentement, celui qui fut autrefois un héros se calma et baissa son regard sur son réacteur à la faible lumière bleue qui avait virée grisâtre, posant une main sur celui-ci. Il finit par reprendre sur lui et s'adossa d'abord au canapé, attrapant une autre bouteille qu'il ouvrit machinalement et porta directement à ses lèvres, le contact du liquide sur sa langue semblant alors l'apaiser tout comme sa douleur dans la poitrine. Il posa sa boisson sur la table basse et pour la première fois depuis plusieurs jours il se risqua à fermer les yeux et il s'endormit presque aussitôt involontairement.

Tony ne rêvait plus, il ne cauchemardait même plus. Il était vraiment au fond du gouffre. Dormir était un bien grand mot, il somnolait plus qu'autre chose en réalité. L'homme sursauta cependant aux coups portés à sa porte. Il ne bougea pas un instant espérant que quelqu'un vienne l'achever et vite, par pitié... C'était tout ce qu'il pouvait attendre désormais même s'il ne pouvait se l'infliger lui-même, après tout il avait encore bien trop d'égo pour se donner la mort lui-même. Son seul souhait avant de mourir était de dire ce qui le rongeait à cette enflure d'Apocalypse, et là il pourrait "reposer en paix", plus ou moins. Tony se redressa et s'assit sur le canapé pour faire face à son agresseur. Personne ne lui rendait jamais visite de toute manière. Il ne pouvait discerner avec netteté qui s'approchait de lui mais il fut surpris de reconnaître cette voix. Stark se contenta de hausser un sourcil à ses mots. Il regarda la bouteille tomber alors que le liquide s'étalait sur le sol avec lenteur. Le brun ne bougea pas et laissa le silence s'insinuer entre eux pendant de longues secondes. Il ne prit pas en considération ce qu'il lui avait dit précédemment et le regarda du coin de l’œil, un faux sourire au coin des lèvres. « C'est rare de te voir avec ce sérieux Barton. » Il rit faussement puis se leva, à demi-sobre, marchant jusqu'à la fenêtre d'un pas hésitant mais pas pour autant chancelant. « Je t'écoute. » Il soupira puis s'appuya au mur d'une main, sachant pertinemment ce qu'il faisait là. Mais la réponse était clair, et de toute manière il n'avait plus le choix, c'était non.