Cela faisait maintenant quelques semaines que Thor avait rendu visite personnellement à Steve. Il l'avait trouvé affaibli et particulièrement morose, mais en bon ami, il se refusa de porter jugement sur son comportement – du moins, cette fois-ci. Le lendemain le Dieu s'était entretenu avec Natasha à ce sujet, et lui proposa d'agir ensembles. Il était préférable de n'être qu'une seule voix, même si d'autres Avengers manquaient à l'appel. Pensant sans doute qu'une assemblée d'étrangers ne ferai pas autant d'effet que ses propres frères et sœurs d'armes, il mobilisa la rouquine et ce fut peu ardu. A vrai dire, il n'avait pas besoin de faire jouer sa prestance naturelle pour la rallier à sa cause, Natasha avait suffisamment de jugeote et de cœur – du moins il le croyait – pour ne pas laisser tomber le fantôme de Captain America s'en aller. Il n'était pas encore l'heure de poser les armes, il leur fallait seulement du temps et du courage pour pouvoir aborder les problèmes qui se posent aujourd'hui. Thor avait traversé bien des épreuves, et avait vu des mondes prêts de l'extinction. Mais il les avait sauvé, et il allait faire la même chose avec Midgard aujourd'hui. C'était une promesse qu'il devait tenir, souverain d'Asgard ou pas, cela tenait de sa responsabilité.

Ils s'étaient donc donné rendez-vous et s'étaient naturellement habillés en civil. Pas très à l'aise avec ce genre de vêtements, d'autant qu'il avait dû faire le tour de la ville pour en trouver un à sa taille, il avait finalement réussi à se vêtir de manière sobre pour pouvoir « sortir ». Le duo dû faire le parcours du combattant pour se rendre au lieu dit, car c'était l'heure à laquelle les patrouilleurs grouillaient comme des vers. Arrivés dans le bâtiment, ils se faufilèrent jusqu'à la porte de l'appartement où « habitait » leur ami. Les lieux étaient délabrés, les murs étaient fissurés et c'était à se demander si le plafond n'allait pas leur tomber sur la tête. Thor n'était pas très inquiet, ce n'était pas du béton armé qui allait le tuer, mais Natasha, Steve et les potentiels autres résidents, eux, ne survivraient peut-être pas aux éboulements. Serrant ses poings, il laissa l'espionne faire son œuvre. Elle ouvrit la porte qui n'était même pas fermée, signe, déjà, que Steve n'avait aucune envie de se protéger. Il s'était donc délaissé à ce point ? Non, il devait bien y avoir une lueur d'espoir.

Le dieu la laissa passer en première, puis il referma derrière eux précautionneusement. L'appartement était plongé dans la pénombre, les rideaux étaient presque tous tirés, seul un quart de carreau de fenêtre permettait encore de laisser entrer la lumière extérieure. Il ne s'attarda pas sur les autres détails du local et déposa une main sur l'épaule de Natasha. Il lui murmura :

« Ne t'inquiètes pas. »

De manière inaudible pour qui ne serait pas à moins d'un mètre de lui.
Il coupa court à son geste et attendit la réponse de Steve, qui semblait se faire désirer...

Loin est le temps où cet appartement avait une allure convenable. Lorsque je l'ai récupéré, déjà, les cicatrices d'Apocalypse avaient définitivement défiguré ce petit endroit qui avant devait être un endroit charmant pour vivre. Le soleil devait filtrer par les carreaux des nombreuses fenêtres, baignant l'endroit d'une douce lumière tandis que le vent soulevait avec grâce et délicatesse les tentures… Peut-être une jeune femme habitait ici, peut-être même un couple, profitant de la douceur que peut parfois offrir le Queens, seulement tout ce que j'ai découvert ici, c'est un endroit en ruine, aux rideaux arrachés, aux vitres brisées et aux murs presque éventrés. Et depuis je n'ai pas vraiment fait d'effort pour le retaper, préférant vivre au milieu de ses restes de vies, me laissant lentement engloutir par la mélancolie et le désespoir. C'est plus simple ainsi. J'en ai marre de devoir me battre pour une cause perdu d'avance. J'avais la fureur de vaincre mais désormais je n'ai plus que la rage de perdre. Autant baisser les bas et attendre que la mort vienne cueillir tout le monde. Au moins, plus personne ne souffrira.

Je passe donc des journées entières, dans cet appartement, les rideaux tirés à écouter sur une chaîne hi-fi prêt à rendre l'âme, un fond sonore nostalgique qui me fait remonter à l'époque où tout était plus simple. Je repense à Peggy, à Gabrielle, à Bucky… Avant que tout ça n'arrive. Avant que je n'ai à perdre qui que soit… Quand je n'étais qu'un gosse qui luttait chaque jour pour survivre. Alors oui, je me laisse aller, mangeant à peine, dormant très peu, ne sortant quasiment jamais. De toute façon, qu'est-ce que le monde pourrait offrir au traître que je suis désormais à leur yeux ?

Les dernières notes d'une chanson aux voix terriblement abîmé par le temps se termine, des pas dans le couloir me font presque sursauter. Encore quelqu'un. Enfin, deux personnes vu le bruit qu'ils font. Je coupe tout, sautant hors de mon fauteuil pour aller me dissimuler dans un angle mort par rapport à la porte, que je surveille du coin de l'oeil. Collé contre un mur je me force à maitriser la respiration et mon rythme cardiaque, attendant de voir ce que les deux étrangers vont faire. Lentement mais sûrement la porte s'ouvre et une voix bien trop familière à mon goût vient résonner à mes oreilles. Natasha. Avec en bonus Thor. Chanceux que je suis. Je ne bouge pas, attendant que la porte se referme pour recommencer à respirer. C'est donc eux. Je ne dirais pas que je ne suis pas heureux de les voir, parce que ce serait mentir, mais ce qui m'inquiète au plus haut point, c'est ce pourquoi ils sont là. Déjà que le fils Stark était passé un mois plutôt, voilà qu'eux aussi s'y mettent. Je sais que c'est surement trop demandé dans un monde qui meurt, mais est-il possible d'être tranquille ? Ne serait-ce qu'un peu ? J'ai dis que je laissais tomber. Que j'arrêtais tout. Qu'est-ce qu'ils ne comprennent pas là-dedans ? Je ne veux plus me battre. Je ne veux plus avoir à souffrir, à voir ceux que j'aime mourir, de perdre mes camarades dans des combats aussi vains que stériles. Je suis fatigué d'espérer, de croire, de me battre, de vivre. Je veux simplement que tout s'arrête.

Un silence plane avant que je ne me décide à sortir de ma cachette, faisant face à mes deux anciens camarades. J'affronte leur regards, essayant de paraître plus ou moins imposant dans un vieux pull des New-York rangers et d'un jean plus troué qu'autre chose. Aucun sourire ne m'échappe tandis que je me décide enfin à briser le silence.

"C'est devenu une tradition maintenant que de venir jusqu'ici pour me rendre visite ? Je dois m'attendre à voir les autres débarquer ? Ou je n'aurais le plaisir que de votre simple présence ?"

Un peu froid comme accueil. Mais ils s'en sortent mieux que l'autre gosse que j'ai foutu à la porte en moins de deux. Eux je les aime bien, alors je vais attendre de savoir ce qu'ils veulent avant de me montrer vraiment désagréable.

"Je vous proposerais bien un truc à boire, mais à part du café de mauvaise qualité et du jus d'orange terriblement acide, je n'ai pas grand chose de buvable."

C'est rare de recevoir des amis alors bon, c'est vrai que je n'ai pas grand chose à leur offrir. Ouais, enfin sauf ma mauvaise humeur.