Debriefing dans la salle de réunion après l’entraînement du matin. Deux soldats m’encadrent alors que je parcours les couloirs nus mais grouillants de monde du camp. Apocalypse a de grandes ambitions, et requiert des hommes qui le servent des efforts de tous les instants. On me conduit comme d’habitude dans une salle de réunion, et un gradé projette des photos de ma prochaine cible. Un autre mutant, aux pouvoirs très importants, qui a plusieurs fois fait échouer des missions de notre organisation. Il contrôle l’eau, ce qui lui a permis d’acheminer des cargaisons de matériel, d’armes et autres aux XMen, tout en déchaînant des tempêtes qui ont empêché nos hommes de les arrêter. Chaque mission qu’il réussit et qu’il protège rend l’ennemi plus fort. Et il faut que cela cesse.

La pochette de carton glisse sur la table alors que je pose mon bras métallique dessus pour l’arrêter. Mon regard balaye les différents documents qui s’y trouvent. Rappel de ses états de fait, bilan sur ses pouvoirs, compte rendu des missions qu’il a faites échouer. Et sa vie. Il avait une femme et deux enfants, qui ont péri dans la destruction d’une partie de la ville. Et c’est suite à cela qu’il a décidé de rejoindre la lutte. Ses agissements ne peuvent plus continuer, et prendront fin ce soir. Nos informateurs nous ont communiqué que les rebelles attendaient une livraison dans le Queens. Ils savent que cette partie de la ville est moins surveillée, et donc plus facile d’accès. Sauf qu’ils n’imaginent pas nous voir arriver et contrer leurs plans.

Après ce briefing, le reste de la journée se déroule entre entraînements et préparation tactiques. L’itinéraire est planifié, ainsi que les fonctions de chacun d’entre nous. Le mien est de m’opposer à leur chef, étant le seul assez puissant pour contrer ses pouvoirs, et je dois, si possible, le ramener vivant.

Tombée de la nuit

On nous équipe et on vérifie notre matériel avant de nous faire monter dans un fourgon noir et anonyme. Nous sommes cinq à l’arrière, et le chauffeur, à l’avant. Les gars discutent, sans doute pour dissiper leur nervosité et leur appréhension. Je reste silencieux. Je n’aime pas me mêler à leurs discussions inutiles. Elles nous éloignent de la mission. Je repasse mentalement toutes les étapes du plan, la topographie du lieu, et me remémore les endroits qui pourront nous abriter et ceux où le danger sera plus grand. Tout circule devant mes yeux, comme si j’avais encore le dossier entre les mains, et je le referme mentalement quand je sens que le fourgon s’arrête et que le moteur est coupé. Les portes s’ouvrent et on descend.

Autour de nous, c’est un paysage de guerre. Il n’y a presque plus aucun bâtiment entier, et debout. Partout des montagnes de gravats, des assemblages hétéroclites de voitures brûlées et écrasées, de morceaux de béton, de ferraille comme de gigantesques monstres vaincus. Parfois, un peu de fumée s’élève d’un monticule, de loin en loin, mais il n’y a personne. Pas un être vivant, pas un bruit. Un vrai silence de mort règne en ces lieux, au point que nos pas sur les graviers donnent l’impression de faire un bruit de tonnerre. On se met en place aux endroits prévus.

L’intérêt est de les prendre sur le fait. Heureusement, avec tous ces débris, les caches ne manquent pas. Toute mon équipe est à son poste, installée, et on est tous à portée de vue les uns des autres. Reste à attendre. La cargaison n’est pas attendue avant une heure ou deux, mais il vaut mieux être sûr de ne pas se faire surprendre.

Les minutes s’écoulent, longues, interminables. Rien ne bouge. Pas un bruit. Et soudain, on entend au loin un bruit de moteur. Un camion foncé, en assez mauvais état, s’avance tant bien que mal sur le chemin cahoteux. Des hommes descendent. Ils n’ont pas d’uniforme, même si quelques-uns ont la tenue des X-Men. Et ils sont armés. Ils se mettent en place près du quai. Ils regardent nerveusement autour d’eux, mais ne semblent pas avoir soupçonné notre présence.

Bientôt, de l’agitation. Une vedette s’approche, tous feux éteints et à petite vitesse, pour passer inaperçue. Elle accoste, des amarres sont jetées, et on ramène le bateau contre le quai. Quelques mots sont rapidement échangés, avant que les hommes sur le quai ne s’approchent pour commencer à décharger la cargaison. C’est le moment.

Je tourne la tête, et donne le signal au sniper qui commence à tirer. Un premier homme est touché et s’effondre sur le sol dans un nuage de poussière. Des cris, c’est la panique. Les autres commencent à se disperser et à se mettre à l’abri. C’est là que je le repère, ma cible. Il tend la main vers le bras de mer et une grosse vague commence à se former.

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The Winter Soldier & Captain America

Mon équipe est passée à l’attaque, conformément au plan. Nous étions tous à nos places, assez éloignés pour pouvoir cerner le groupe de mutants qui devait se trouver là ce soir, restant à l’abri, et nous protégeant aussi des pouvoirs redoutables de celui qui était la cible de notre mission. Ce mutant qui avait le pouvoir particulier de savoir contrôler l’eau. Dès les premiers coups de feu tout le monde se disperse, des cris. L’un s’effondre. D’autres vont se cacher dans ce qui ressemble aux immenses pierres tombales d’un cimetière de géants. On reste à nos places, car on sait que descendre, s’aventurer trop près de lui, risque de nous exposer à un danger certain : son pouvoir.

Et notre mission avait été bien planifiée. Quelques secondes à peine après le début de l’assaut, le temps sans doute qu’il reprenne ses esprits, je sens la terre trembler sous mes pieds. Enfin, je sens l’immense montagne de gravas qui me sert de point d’observation, trembler sous mes pieds. Des blocs de béton et de graviers roulent le long des décombres, et c’est là que je vois qu’elle commence à se former. La vague. Un mur d’eau qui grossit et grossit, attendant sagement le commandement de son maître avant d’attaquer. Et c’est l’attaque. Elle saute sur la zone qui borde les quais, et retombe avec un fracas de tonnerre. En quelques secondes, l’eau monte à plusieurs mètres, comme si les digues d’un barrage avaient cédé. D’un coup tout est calme, comme si elle avait noyé le bruit en même temps qu’elle avait noyé toutes les personnes présentes près des quais.

Du coin de l’œil, je vois que deux de mes hommes, qui s’étaient placés trop bas dans les décombres, ont été entraînés par ce déferlement d’eau.  Mes mâchoires se serrent. S’il y a des ordres, ce n’est pas pour rien. Par leur faute, notre supériorité tactique n’est plus assurée, ce qui risque de compromettre la mission ! Mais heureusement, le reste du plan se passe comme prévu. L’énergie que le mutant a dû déployer pour lever cette gigantesque vague l’a affaibli. Ce qui nous ouvre une fenêtre de quelques minutes pour l’intercepter au moment où il est le plus vulnérable. Il est temps.

Par un signe discret, j’ordonne à mes hommes de redescendre près des quais. On descend au pas de course les escarpements de béton armé, les poutres calcinées et autres gravats, avant d’arriver sur la zone dégagée et détrempée. Autour de nous, des mutants sont à genoux et reprennent leur souffle, d’autres ont fui. Mais il n’y a plus aucune menace. Seul à se tenir debout, ma cible, sèche, me fixe avec une terreur profonde dans le regard. Il est pétrifié, et ne cherche même pas à s’enfuir.

Je m’avance d’un pas sûr, et l’attrape par le col. Je commence à le soulever, et profiter de sa faiblesse pour le ramener au camion, quand mon ouïe me prévient d’un déplacement sur le côté.
D’un geste précis je tends mon bras métallique et agrippe le bouclier qui venait droit sur moi. Mon regard se pose sur le disque de métal, et, bizarrement, je reste plongé dans la contemplation des cercles de couleur et de l’étoile en son centre. J’ai déjà vu ça… j’ai déjà vu ça, mais où ? Une seconde plus tard, je tourne la tête pour découvrir d’où vient l’attaque, et je vois celui qui s’oppose à moi. A nouveau, son costume, tout ça… me dit quelque chose, mais sans pouvoir retrouver d’où.

Trêve de réflexions, la mission doit être accomplie. Il repasse à l’attaque, voulant sauter sur moi, alors d’un mouvement sec je renvoie son bouclier sur lui. Il l’esquive, et arrive à s’approcher assez près pour arriver à me toucher. Je suis étonné, il est bien plus rapide que les combattants habituels. Je chancelle pendant deux pas avant de reprendre appui, et j’attends qu’il revienne m’attaquer pour le repousser de toutes mes forces. Il recule à quelques mètres, et j’en profite pour siffler mes deux hommes, qui étaient à couvert et qui viennent attraper le mutant, commençant à le traîner vers notre fourgon garé derrière le port.

Pendant ce temps, je me prépare à subir une nouvelle attaque de mon assaillant. On se jauge quelques secondes, avant qu’il n’enchaîne une série de coups de poings rapides. J’arrive à en esquiver la plupart, mais le dernier me frappe à la tempe, et brise mon masque de protection, qui vole quelques secondes avant de retomber plusieurs mètres plus loin. Il est vraiment coriace celui-là.

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La situation est sous contrôle, et tout se déroule selon le plan prévu. On avait prévu le fait que la cible utiliserait ses pouvoirs, et on a agi en conséquence. Tout était prévu et s’est bien déroulé. Les mutants qui protégeaient la cargaison ont été mis en déroute, et ce qu’ils déchargeaient est parti avec la vague immense qui a submergé les ruines des docks. Notre avantage était certain. Jusqu’à lui. Cet homme. Cet homme dont le visage me rappelait quelque chose.

Lui aussi avait arpenté mes rêves. Lui aussi avait hanté mes nuits. Ces images, ces scènes, ces situations d’un autre temps. Période de seconde Guerre. Lui et moi portant l’ignoble uniforme américain. J’ai été moins surpris que lorsque j’ai vu que la femme de mes rêves existait. Si elle était réelle, pourquoi l’homme que je croisais aussi la nuit, mais moins souvent, ne le serait pas ? Mais pourquoi ? Pourquoi je vois sans cesse, nuit après nuit, ces deux personnages que je n’avais jamais vu en vrai, jusqu’à quelques jours seulement ? Pourquoi nous revoir tous les trois, dans des tenues datant d’il y a quasiment un siècle alors qu’on est tous les trois toujours en vie, ici, à New York ? Toutes ces questions auxquelles Gabrielle n’a pu répondre, avant que je ne parte. Elle avait dit qu’elle me connaissait, avant de me révéler qu’elle m’avait pris pour un certain James.

L’homme en face de moi. Je l’ai vu en uniforme. Mais je l’ai aussi vu équipé d’un bouclier décoré d’une étoile. Je l’ai vu avec un casque qui portait des ailes. Là il porte un vulgaire jean et un pull. Si c’est bien lui. Sauf que, très étrangement, il sait se battre. Il est le premier à arriver à me repousser. A me maintenir à distance. Un des seuls que je ne brise pas en moins d’une seconde, froidement. Il est fort et rapide. Pourtant, on dirait que lui aussi me connaît. Je pare tous ses coups de justesse. J’arrive à les anticiper mais il me surprend par sa vitesse, bien plus importante que les autres. Avec lui, je dois faire des efforts, me surpasser pour arriver à le maintenir à distance. Enfin un adversaire à ma hauteur. On échange des coups, il pare les miens et je pare les siens. Sauf un, qui me surprend et vient heurter ma tempe. Mon masque se brise et vole sous la violence de l’impact, me laissant à visage découvert.

L’expression de mon adversaire change quand il me voit comme ça. Il pâlit, s’immobilise. On dirait qu’il a vu un fantôme. Peut-être que, comme la femme, il a connu quelqu’un qui me ressemblait beaucoup ? Tant pis pour lui. Une des premières règles qu’on enseigne aux combattants, c’est de rester concentré. Je m’avance vers lui, et alors qu’il murmure lui aussi un « Bucky » qui ne rime à rien, je lui décroche un coup de pied dans le genou qui le fait chanceler. Sans perdre de temps, je profite du fait qu’il soit déstabilisé pour asséner un, puis deux coups de poing.

Tu te bats bien. Mais tu te laisses distraire.

Ma voix est rauque, à force d’être trop peu utilisée. Je le contemple une seconde, alors qu’il est sonné et qu’il ne réalise toujours pas ce qui lui arrive. Ce qu’il découvre. Sa confusion entre moi et quelqu’un d’autre. Je recule, prêt à faire demi-tour pour rejoindre mon équipe qui s’éloigne, emportant notre cible, avant de me retourner une dernière fois.

Je ne sais pas qui est Bucky. Je n’ai pas de nom. On m’appelle le soldat de l’hiver.

Et je pivote sur mes talons, mes lourdes chaussures crissant sous le sable et les graviers mouillés des décombres, m’éloignant vers le fourgon qui est garé non loin.

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Cet homme m’intrigue. Il sait se battre, se battre comme un soldat, et pourtant il est en civil. Il a l’attitude d’un civil. Pourtant je me souviens de lui. Je me souviens de lui et de moi. Je me souviens de lui et de moi en Allemagne. Je me souviens de Hitler. De la guerre. Dans mes rêves. Pourtant c’est impossible. C’est impossible que lui, moi, et cette femme, cette Gabrielle, qui a été la première à apparaître dans la réalité, ayons vécu à cette époque. A avoir vécu la guerre et à avoir notre âge. Pourquoi ? Comment ? Comment est-ce que j’ai pu rêver d’eux ces longs mois ? Comment se trouvaient-ils dans mon esprit avant même que j’aie pu découvrir qu’ils existaient vraiment.

Tout se contredit, tout se mélange. Pourtant… Pourtant,  deux moments différents, dans deux lieux différents, ils m’ont tous deux appelé « Bucky ». Ce nom ne me dit rien. Quand j’essaie de solliciter ma mémoire, je n’ai qu’un trou noir, du vide, à propos de ce prénom.  Lui est déstabilisé par ma présence et j’en profite pour reprendre l’ascendant qu’il avait réussi à avoir sur moi, pendant quelques secondes.

Un coup dans le genou, deux coups de poing. Il est quasiment à terre. Ou tout du moins, il ne représente plus une menace. A ma grande surprise, je lui parle, moi qui ne parle jamais. Je ne me moque pas. D’aussi longtemps que remontent mes souvenirs, je n’ai jamais réussi à bien comprendre ce qu’était la moquerie, et l’ironie. C’est quelque chose qui m’échappe.

Je ne suis pas un mercenaire. Je me bats pour servir Hydra. Les ambitions de Hydra sont dignes d’être servies. Et tu oses me critiquer, civil, mais c’est toi qui est tombé à genoux, et moi qui n’ai aucune blessure.

La mission prime sur le fait de trouver des réponses à toutes les questions qui se sont posées, que ce soit avec elle, ou avec lui. Ma cible est atteinte. Et immobilisée. Je tourne les talons. Je n’ai plus rien à faire ici, je dois rentrer à la base, et livrer le colis. Je marche d’un pas égal, sans me retourner. Je sens, mais une seconde trop tard, qu’il est derrière moi. Un être humain normal n’aurait pas pu se déplacer aussi vite. Cela rejoint le fait qu’il est le premier qui puisse m’égaler. Est-il un renégat de Hydra, qui a eu l’honneur d’être transformé en guerrier supérieur, et qui aurait tourné le dos à l’ordre ? Il faudra que je me renseigne, car Hydra ne tolère pas les traitres. Si ce que je pense est juste, je le ramènerai de force, et il rentrera dans le droit chemin.

Je heurte lourdement le sol, surpris par la vitesse et la brusquerie de son attaque. Ma tête heurte les gravats, et je le sens se pencher sur moi, son genou sur ma poitrine, et son avant-bras sur ma gorge. Il est plus grand et plus lourd que moi. Je tends mon bras métallique vers lui, qui enserre son cou. Le soldat de l’hiver n’a jamais été vaincu. Et ça ne sera pas par lui.

Mais je lutte pour maintenir la pression, car il est fort, et arrive à me maintenir au sol. Mâchoires serrées, je tente de me débattre, et c’est là qu’il élève son autre poing, qui vient percuter ma mâchoire. Ma tête bascule sur le côté sous la violence du choc, avant de revenir plonger mon regard de glace dans le sien. Il a l’air bouleversé. Moi pas. Il se laisse envahir par ses sentiments, et c’est ce qui va causer sa perte. Lâchant sa gorge, je recule mon poing métallique pour riposter à ses coups. Sauf qu’il parle. Il évoque encore un passé qu’on aurait eu tous les deux.

Ses mots. Ce nom. Pendant une seconde, j’ai l’impression qu’un immense crochet me tire d’une boue glacée. Des images. Mes sourcils se froncent. Des images éclatent devant mes yeux. Des images que je n’ai jamais vues. C’est la première fois que ça m’arrive en plein jour, et pas dans mon sommeil. Sans m’en rendre compte je l’ai repoussé, et je recule, tentant maladroitement de me relever, avant de m’adosser à un pan de muraille encore debout. Le regard vide. Le souffle court. Mes lèvres articulent lentement ces mots qui ont l’air d’évoquer quelque chose pour la première fois.

James… Buchanan… Banes…

Et je relève la tête pour le regarder lui, cet étranger familier, qui s’approche de moi.
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Je suis surpris, désarçonné par la violence et la brusquerie de son attaque. Il semblerait que j’ai sous-estimé mon adversaire. Il semble être plus coriace que ce qu’il laisse paraître, et pouvoir enfin me mesurer à quelqu’un que je n’immobilise pas en une poignée de secondes est un défi qui m’intéresse. Il est fort, et se bat bien pour un civil, même si on dirait qu’il manque d’entraînement, ou qu’il a été meilleur à un autre moment de sa vie. Sauf qu’au moment où je veux riposter, lui rendre ses coups, il parle. Quelques mots, un prénom. Quelque chose qui me frappe plus durement que tous les coups que j’ai pu recevoir jusqu’à présent. Des mots qui font exploser des images dans mon crâne. Des choses qui ne pourraient pas être possibles. Non. Impossibles. Et pourtant. Pourtant. Il m’en parle alors que je ne le connais pas. Comment saurait-il ce que je vois, nuit après nuit, dans mes rêves et mes cauchemars ? Comment ?

J’ai réussi à me dégager sans m’en rendre compte et je me recule. Pour reprendre mon souffle, remettre mes idées au clair. Je le connais. Maintenant je sais que je le connais. Un uniforme. Des nazis, encore. Du bleu, du rouge et des étoiles. Blanches, les étoiles. Captain. Captain quelque chose. Captain… Je relève la tête, perdu et pantelant, le souffle court. Tout vient trop vite, et trop fort. Jamais encore je n’ai été mis dans cet état, avec un tel sentiment d’impuissance. C’est juste horrible. Inhabituel. Je me sens vulnérable, et je déteste ça.

Il s’approche un peu mais reste à distance, continue à me parler. Tais-toi ! Mais tais-toi ! Pas besoin de rajouter encore plus de voix dans ma tête ! Un prénom. Steven. Je relève péniblement la tête et plonge mon regard de glace dans le sien, les mâchoires serrées.

Rogers. Steven… Steven Rogers tu… Non. Non.

Gabrielle. Steven. La guerre. L’Allemagne. Toutes ces images se télescopent. Mais ce n’est pas possible. Ce n’est pas possible. Je n’ai pas pu être là-bas, avec eux, et… là, maintenant. Il… il est la preuve. Il est la preuve que c’est un mensonge. Un horrible mensonge. Horrible. Il me touche, et je le repousse violemment, avant de lui hurler au visage.

Non ! Non tu n’es pas mon frère ! Tout ça, ces souvenirs, je ne… je ne sais pas comment tu as fait mais ce sont des mensonges ! Une nouvelle technologie développée par les rebelles, ou un mutant ! Mais ce… c’est impossible qu’on se soit connus ! C’est impossible qu’on se soit connus à cette époque ! Si… si c’était le cas, on devrait être morts !

Ma main glisse contre ma cuisse pour saisir mon Glock dans son holster. Je le pointe vers lui pour le faire tenir à distance. Petit à petit je retrouve mon calme. Comment ont-ils pu faire ça? Créer ces images? Et comment a-t-il pu y inclure celles de cette femme? A moins qu'elle aussi fasse partie de la conspiration...

Je ne sais pas comment tu t’y es pris, mais pendant quelques secondes j’ai cru à toute cette mascarade. Il faut croire que vous avez plus de ressources que ce qu’on soupçonnait. Maintenant recule, imposteur. Tu aurais dû utiliser des images plus réalistes pour que j’y croie vraiment. Dommage, ça aurait pu marcher. Recule ou je t’abats froidement.

Du bout de mon canon, je lui fais signe de se pousser pour me laisser le champ libre. Je perçois le moteur de notre fourgon qui démarre, signe que notre cible y a été emmenée. Bien. Je n’ai plus de raisons de rester ici. Mon souffle redevient calme, mais pourquoi mes mains tremblent-elles encore ?

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Il est arrivé à me déstabiliser. Il est arrivé à ébranler mes certitudes, et à me faire douter pendant quelques secondes. Enfin. Beaucoup de choses se bousculent encore dans mon esprit. Ces images, toutes ces images qui ont jailli dans ma tête, je n’arrive pas à en trouver l’origine. Je doute encore. Comment c’est possible que le nom qu’il ait prononcé, ce fameux « James Buchanan Barnes » ait réussi à évoquer quelque chose au plus profond de moi ? Comment a-t-il pu faire naître ces images avec Gabrielle ? A moins que cette femme ne soit sa complice ? Cela fait peut-être des semaines que je suis la cible d’une nouvelle technologie qui permet d’implanter des souvenirs et des images. Voilà pourquoi elle peuplait mes rêves ! Pour que je lui fasse confiance. Pour que je sois attiré par elle ! Que je cherche à la voir, et qu’elle puisse ainsi me manipuler à sa guise. Et lui, ce « Steven » comme il prétend s’appeler, est un autre maillon de la chaîne. A moins que ce soit un de ces mutants aux pouvoirs psychiques qui peuvent faire voir ce qu’ils veulent à n’importe qui.

Oh vous avez été près. Très près même de me faire flancher. Mais dans un sens je suis flatté. S’ils sont obligés de jouer cette carte-là, c’est qu’ils savent qu’une attaque de front ne sera jamais couronnée de succès. Que dans un simple corps à corps je serai toujours victorieux. Parce que je suis le mieux préparé, le mieux entraîné. Parce que ma réputation n’a jamais faibli depuis des années. Mon attitude change du tout au tout. Je me reprends. Contrôle mon souffle et mes pensées. Redeviens le soldat de l’hiver. Je saisis mon arme pour lui faire peur et qu’il s’éloigne. Je ne compte pas le tuer, enfin, tant que je n’y suis pas obligé. Il n’est pas ma mission et je ne suis pas de ceux qui aiment faire verser le sang pour le plaisir. Il pourra même rentrer parmi les siens et dire que leur technique avait échoué.

Je lui fais signe de se pousser, pour que je puisse retrouver mon équipe, et ramener la cible à la base, comme convenu. Autour de nous, tous ceux qui s’étaient rassemblés pour la livraison se sont dispersés. Il ne reste que nous. Encore une fois il tente de me raisonner, de me faire changer d’avis, geignant comme un chiot. Il a perdu, sa tentative de m’atteindre a échoué. Il devrait reconnaître sa défaite et se retirer. Mais il insiste, ce qui a le don de m’énerver. Et je suis redevenu parfaitement maître de moi.

Cesse cette comédie. Elle n’a pas marché. Déguerpis et préviens ceux pour qui tu travailles que le Soldat de l’Hiver ne se laisse pas avoir aussi facilement. Parce que c’est ce que je suis, le soldat de l’Hiver, la fierté d’Hydra, et pas ce « James » ou « Bucky » dont tu t’obstines à parler. Laisse-moi passer et tu auras la vie sauve.

Au lieu de s’éloigner, cet idiot insiste, et vient encore plus près. Est-ce qu’il est suicidaire ou alors est-ce une tentative désespérée pour que je le croie dans ses théories fumeuses ? Sauf que je ne marche plus. Il devient un obstacle. Je reste immobile, voyant jusqu’où il pourra aller pour me convaincre, et à ce moment il pose sa main sur mon épaule. Je le regarde froidement, tout sentiment ayant quitté mon visage, et je détache lentement mes mots.

Je ne suis pas ton frère. Je n’en ai jamais eu.

La détonation part, étouffée par le fait que j’ai tiré à bout portant dans son épaule. Je sais viser, il n’aura pas de séquelles, mais j’ai au moins le champ libre pour partir et terminer ma mission. Il tombe à genoux, les doigts sur sa plaie, alors que je tourne les talons sans un regard, et j’escalade le tas de gravats derrière lequel est garé le fourgon dont le moteur tourne toujours. Je monte, ferme les portes derrière moi et le chauffeur part en direction de la base. Ces images, que j’ai vues, sont si réelles… je sais que c’est un mensonge, une supercherie, et pourtant, une toute petite partie de moi me dit que ça pourrait peut-être autre chose. Mais quoi ?

FIN (merci pour ce sujet ^^)


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